Mobilité à Genève

Quelle mobilité pour une Genève plus attractive ?

Mobilité

22/05/2023

La mobilité est au cœur des politiques publiques. Comment rendre la Genève qui se déplace plus fluide et plus attractive ? Le Touring Club Suisse (TCS) ne prêche pas pour sa paroisse. L’association automobile est au contraire convaincue que les populations sont aujourd’hui multimodales, usant tour à tour d’un véhicule motorisé ou d’un vélo traditionnel, ou marchant d’un point à l’autre du centre-ville ou d’une commune. Aussi le TCS prône-t-il un partage harmonieux et équitable de la chaussée.

Quel carnet route avant l’entrée en fonction du nouveau gouvernement genevois ? Rencontre avec François Membrez, président du TCS Genève.

Le TCS ne défend pas son pré carré mais s’engage pour une mobilité 2.0, autrement dit qui intègre la totalité des modes de transport.

François Membrez : Nous sommes en effet véritablement en faveur d’une approche concertée qui prend en compte les besoins de l’ensemble des usagers. À cet égard, nous privilégions des parcours cyclables continus et sécurisés sur le réseau secondaire. Et nous nous mobilisons aussi pour l’aménagement d’axes structurants fluides s’agissant cette fois des véhicules motorisés. Je songe notamment au franchissement d’une rive à l’autre du Rhône et du lac.

Les places de parking situées en surface sont le point de mire d’une partie de la classe politique. Quelle est votre position sur leur suppression ?

FM : Le TCS demande le maintien de ces stationnements, et ceci pour trois raisons. Tout d’abord, ils participent à l’attractivité des commerces de la ville en les rendant plus accessibles. Ensuite, ils permettent aux détenteurs de macarons d’utiliser les zones bleues s’ils ne disposent pas de parkings privés. C’est le cas pour de nombreux immeubles du centre-ville notamment. Enfin, la présence des places en surface est nécessaire pour le développement des bornes de recharge électrique. Celles-ci doivent être, comme dans les autres grandes villes d’Europe, installées sur la voie publique.

Décongestionner les points épineux

 

Les travaux de la place Cornavin ne démarreront finalement qu’en 2024 (vs 2023). Il s’agit de « libérer » l’espace public, de reconnecter les quartiers entre eux et de faciliter l’accès aux arrêts de bus. Ce programme ambitieux risque-t-il de péjorer le trafic dans ce centre névralgique ?

FM : Notre position est sans équivoque. Les autorités doivent surseoir aux restrictions de circulation jusqu’au démarrage effectif des travaux. Au-delà de Cornavin, nous jugeons nécessaire de maintenir le 50 km/heure sur le territoire genevois en dehors des quartiers d’habitation. Le TCS a identifié trente axes où un abaissement de la vitesse de circulation n’est pas utile.

D’autres aménagements péjorent-ils la fluidité du trafic ?

FM : Oui, c’est le cas des goulets d’étranglement qui congestionnent la ville, particulièrement à la rue de la Servette/rue de Lyon et à la rue de la Coulouvrenière. La suppression des rétrécissements de la chaussée amènerait un nouveau souffle au trafic.

La moyenne ceinture est mise à rude épreuve. Comment « normaliser » le trafic ?

FM : Conformément à la loi cantonale pour une mobilité cohérente et équilibrée, établissant cent mesures pour pacifier Genève, il faut appliquer un plan qui permette de fluidifier le carrefour du Grand-Lancy aujourd’hui impraticable. Dans le même esprit, nous recommandons que la rampe du Pont-Rouge ne soit fermée qu’aux heures de pointe. Car en dehors des plages horaires de 7 à 9 heures et de 17 à 19 heures, le passage des véhicules motorisés ou non individuels n’entrave pas la circulation des transports publics.

Le TCS s’engage-t-il fortement en faveur de la lutte contre la pollution sonore ?

FM : Certes, et c’est pourquoi nous sommes favorables à des contrôles et verbalisations accrus des véhicules ne respectant pas les normes liées au bruit. Nous estimons que les propriétaires de ces voitures ou de ces deux-roues motorisés doivent être sanctionnés. Les habitants ne doivent en effet pas subir ces nuisances sonores préjudiciables à leur quiétude et à leur santé.

Multiplier la prévention auprès des usagers de e-vélos rapides

 

La sécurité est constitutive de votre association. En témoignent les cours et les programmes de sensibilisation aux dangers de la route. La multiplication des vélos électriques rapides (45 km/heure) et des e-trottinettes rend la chaussée de plus en plus périlleuse.

FM : C’est un sujet d’une grande acuité. Les accidents impliquant des utilisateurs de cycles et trottinettes électriques sont en hausse. Là encore, nous souhaitons que les efforts consentis en matière de sensibilisation soient renforcés. Nous jugeons essentiel que les utilisateurs soient dûment informés des risques encourus par eux-mêmes autant que par les cyclistes traditionnels et les piétons. Le TCS est certes déjà impliqué en la matière, mais les campagnes de sensibilisation doivent être menées à plus large échelle. D’ailleurs, les vélos rapides ne devraient emprunter que les routes et non plus les pistes cyclables.

Les dossiers 2023 de la mobilité

 

Durant la nouvelle mandature, il faudra se pencher sur des mesures en cours d’exécution ou dans le pipeline des initiatives. Le point avec Guillaume Sauvin, ingénieur mobilité au Touring Club Suisse, Section Genève.

 

  • 30 km/h

Le canton forme le vœu de mettre l’écrasante majorité des usagers des axes routiers au pas, ou plus précisément au 30 km/h. Une mesure que les autorités adossent à l’ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit. Si le TCS ne conteste pas son fondement – le trafic génère en effet une véritable pollution sonore –, il n’adhère cependant pas à la voie empruntée par les décideurs. « Régler la vitesse motorisée par un seul arrêté qui fixe le sort de 450 routes et rues genevoises n’est pas une solution adéquate », estime Guillaume Sauvin. L’ingénieur avance plusieurs arguments. Tout d’abord, la fluidité du trafic impose que la vitesse sur les grands axes structurants, comme l’avenue de France ou l’avenue Pictet-de-Rochemont, demeure à 50 km/h. Ensuite, une absence de hiérarchie du réseau aura des conséquences préjudiciables sur la quiétude des résidents. En effet, si sur les routes munies de feux, la vitesse n’excède pas 30 km/h, les utilisateurs de véhicules motorisés emprunteront les rues qui bordent les habitations. C’est ce report de trafic vers les quartiers que le TCS redoute. « Enfin, la généralisation du 30 km/h à Genève s’appuie sur un test unique effectué sur les boulevards du Pont-d’Arve et de la Tour. Il ne nous semble guère pertinent en matière de réduction du bruit », reprend l’ingénieur. En effet, selon l’expert, la baisse de bruit est imperceptible le jour et n’atteint que 1,7 décibel de moins la nuit. Or, pour le TCS, il existe d’autres mesures efficaces pour lutter contre le bruit, telles que la mise en place de revêtement phono absorbant. Dès lors, l’association de mobilité, qui confirme son soutien aux 30 km/h dans les quartiers d’habitation mais en réfute la généralisation sur les axes structurants, a recouru auprès du tribunal administratif.

 

  • Tarification de la mobilité/ péage urbain

L’entrée de Genève tarifée pour les transports motorisés ? La Confédération a donné son feu vert pour en étudier la faisabilité. Il s’agirait globalement de rendre payant le passage (dans les deux sens) du cordon correspondant à la ceinture urbaine et d’augmenter ce droit d’accès aux heures de pointe. Pour le TCS Genève, ce projet est socialement intenable. Il pénalise les personnes qui n’ont pas d’autre choix que de circuler aux heures de pointe. « Nous sommes donc fermement opposés à cette tarification de la mobilité. D’ailleurs, l’exemple londonien n’est pas concluant. En effet, le péage instauré à l’entrée de la capitale britannique a certes réduit le trafic dans un premier temps, mais la situation est très vite revenue à la normale », précise encore Guillaume Sauvin.

 

  • Initiative piétonne 

Pour le TCS Genève, l’initiative piétonne est méritoire car elle inscrit dans le dur la nécessité de favoriser les déplacements à pied sur le territoire genevois. Toutefois, le texte requiert aussi une modification de la loi cantonale sur les routes. Cette modification implique une redistribution du trafic. Des axes structurants et non uniquement les rues des quartiers d’habitation seraient prioritairement aménagés pour permettre la circulation des vélos et les déplacements piétons. Pour Guillaume Sauvin, l’initiative nuit à nouveau à la hiérarchie du réseau, qui nous semble être la clef pour une multimodalité harmonieuse.

 

  • Quai du Cheval-Blanc

En 2018, la Ville de Genève propose la suppression d’un quart des places de stationnement en surface au quai du Cheval-Blanc (45 places sur 198) afin d’installer une nouvelle voie verte. Mais la voilà qui revoit sa copie et souhaite que trois quarts des stationnements passent à la trappe. Le TCS Genève et les résidents qui voient les possibilités de garer leur véhicule drastiquement réduites (le parking de l’Octroi, sis à proximité, affiche complet) ont recouru contre cette décision complémentaire.

 

Propos recueillis par Adélita Genoud

 

 

 

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